La Brévine (NE), vallée de tous les records hivernaux. Plongée au coeur de la Sibérie suisse

La Brévine, petite commune neuchâteloise languie au coeur de la vallée du même nom, à 1000 m d'altitude. Pourquoi cette vallée cumule-t-elle chaque hiver tous les records ? Comment la population vit-elle dans ces climats extrêmes ? Et comment découvrir et profiter de son décor enchanteur, entre glaces, lac, nature et mets régionaux ? Plongée au coeur de la vallée de tous les records hivernaux, la bien-nommée Sibérie suisse.

8h, au pied du coquet temple de Bémont. La place du village de la Brévine s'anime ce mardi matin, entre l'Auberge du Loup Blanc, l'Hôtel de Ville et la petite épicerie-boulangerie. Les quelque 650 habitants se réveillent sous une fine couche de poudreuse qui confère à la rue principale des airs de village du Père Noël.

La neige a battu la vallée toute la nuit et les glaçons s'accrochent aux gouttières. -7°C au thermomètre, une température presque douce pour les habitants de la petite commune où l'hiver commence en octobre pour s'essouffler difficilement fin avril.

Derrière les fenêtres de l'Hôtel-de-Ville, quelques habitués se réchauffent autour d'un ballon de blanc ou d'un café. On ne commente même plus les températures ici, à peine relève-t-on le dernier record décennal de froid qui a vu, le 7 janvier 2017, la vallée se cristalliser autour de -30°C. On sourit, ça maintiendra au moins la glace à la surface du lac des Taillères, attraction régionale qui, depuis le début de la saison, bat tous les records d'affluence.

Il faut dire qu'ici, on en a vu d'autres. -41,8°C le 12 janvier 1987, record absolu de froid dans toute la Suisse qui attribue à la commune son surnom de « Petite Sibérie suisse » et son titre d'endroit habité de façon permanente le plus froid du pays.

Ici, entre janvier et février, la température minimale moyenne affiche -10°C. Et elle reste en-dessous de 0°C entre octobre et avril. Il n'est pas rare d'assister à des gelées matinales en plein mois d'août !

Reportage de la Télévision suisse romande entre les murs de neige qui se dressent à La Brévine ce 16 janvier 1963 et ses -38°C.

Alors que se passe-t-il dans cette vallée qui lèche la frontière française, à mi-chemin entre le Val-de-Travers et le Locle et à l'altitude somme toute modeste (1113 m) au vu des villages alpins agrippés aux massifs ? C'est un micro-climat très local qui explique ces records de froid, accusant régulièrement 10 degrés d'écart avec les villages avoisinants.

En cause ? La forme en cuvette de la vallée. L'air froid s'y dépose et, pris au piège, stagne, continuant à refroidir. Ainsi, en prenant de l'altitude dans les environs immédiats, l'air se réchauffe instantanément.

À 2 kilomètres du village, dans un écrin de nature intacte à l'orée des sapins jurassiens, le lac des Taillères se fige sous la glace chaque hiver, atteignant parfois jusqu'à 30 cm d'épaisseur. Dès que le plan est proclamé sûr et praticable, plusieurs milliers de personnes y pratiquent patinage ou char à voile, dans une ambiance bon enfant exacerbée par la présence des commerçants locaux qui proposent stands de boissons, de nourriture et location de matériel de patinage. En été ? Tout aussi sympa et, étonnamment chaud. Les eaux du petit lac dépassent aisément les 25°C. On s'y baigne et on y pêche, brochet ou perche.

La vallée est un spot prisé des fondeurs (porteurs d'une carte d'accès aux pistes). Plusieurs dizaines de kilomètres sillonnent la vallée, franchissant la frontière française au-delà des Cernets à l'ouest et jusqu'aux Ponts-de-Martel et au Cerneux-Péquignot à l'est. Chaque année en février, la course La Sibérienne cumulant 15km et 30 km, s'élance et arrive à La Brévine.

Adresse populaire loin à la ronde, le Loup Blanc offre une immersion authentique et chaleureuse. Sa carte décline avec gourmandise les produits locaux (poulet fermier, boeuf, agneau, porc, brochet et truite viennent de la région), en particulier les viandes préparées au feu de cheminée. Ne manquez pas le Saucisson sibérien à la Braise, la Brochet du Pays en cassolette et ses légumes du marché, le Rôti de Porc cuit en Daubière à la Neuchâteloise (sur réservation) et, chaque dimanche, la truite du Pays au bleu. À l'étage, les chambres coquettes et classiques embaument le bois, le regard rivé sur la place du Village.

À l'extrémité ouest du lac des Taillères, Chez Bichon occupe une grande bâtisse typique, aux mains de la famille Huguenin depuis 1968. Au menu ? Les spécialités gourmandes de la région, en particulier la Fondue dans le pain (ou fondue Chaux des Taillères) qui, au creux d'un pain, marie fromages de Gruyère et Britchon affiné à l'Oeil-de-Perdrix, échalote et lard (sur réservation). On s'y presse aussi pour les incontournables tripes à la neuchâteloise et, en saison, pour la chasse (civets, gigots et selles de chevreuil frais).

Dans cette boutique à quelques enjambées de la place du village, on loue et on vend du matériel de sport d'hiver, tout en dispensant des conseils avisés sur les pratiques sportives locales mais aussi les spots et les conditions climatiques du coin. Ski nordique ou alpin, raquettes, chaussures, textiles, sacs à dos, GPS... On y organise également des sorties accompagnées en ski de fond (sur réservation).

Chaque année en février, la Brévine fait sa fête du froid. Snow Party, fondue Chaux-des-Taillères dans les restaurants de la région et nombreuses animations au sein du « Village du Froid » ; marché artisanal, sculpteurs, traîneaux, montgolfières, concours et jeux pour les enfants. À la nuit tombée, l'apéritif est offert sous les illuminations d'un grand feu d'artifice alors que la fête se prolonge sous la tente autour d'un repas du terroir.